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dimanche 7 mars 2010

samedi 6 mars 2010

La Famille The Family






WILLIAM BASTRACHE, chirurgien; surgeon.
RENÉ BASTARACHE, interniste-néphrologue; internist-nephrologist.
ROGER BASTARACHE, relations de travail et homme d'affaires; industrial relations and businessman.
ALBERT BASTARACHE, enseignant et artiste-peintre; teacher and artist-painter.
RAOUL BASTARACHE, enseignant et artiste de la scène; teacher and scene-artist.
EDOUARD BASTARACHE, médecin du travail et de l'environnemnt, céramiste et auteur; occupational and environmental medicine, ceramist and author.
ANDRE BASTARACHE,restauration; restaurant business.

Les Frères Bastarache/The Bastarache Brothers














Le premier Bastarache au Saguenay Lac St-Jean
par Raoul Bastarache


Notices biographiques :

· Joseph "Jos" Augustin (Ambroise)
· Né à Moncton Nouveau-Brunswick le 22.8.1901. Résidait à Contrecœur jusqu'à sa mort.
· Baptisé le 1.09.1901 à Moncton.
· Décédé le 29.06.1995, inhumé à Saint-Joseph de Sorel.
· Marié à Juliette Cécile Clara Savard le 27.7.1930 à la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi.
· Travaillait comme maître-électricien à la compagnie d'aluminium Alcan d'Arvida. Pionnier de 1926.
· Clara est décédée à Tracy le 23.06.1991, inhumée à Saint-Joseph de Sorel.
· Clara était née à Laterrière le 8.01.11, fille de Albertine Tremblay et de Harry Savard.

J'ai trouvé dans le registre de la paroisse de St-Bernard, Moncton, N-B le baptême de Joseph:
On the first day of september nineteen hundred and one. I baptized Joseph Augustin born on 22 august, marriage of William Bastarache and Judith Chase. SS Robert Gallant and Barbe Bastarache tante de Joseph.
(Recherche de Pierre Bastarache, à Moncton en 1994 lors des Rencontres mondiales acadiennes.)

Joseph-Augustin, est né à Moncton sur Mechanic Road. À l'âge d'un an, il déménage à Adamsville jusqu'à l'âge de 10 ans, après quoi la famille retourna à Moncton, sur la rue St-Georges, pour permettre la fréquentation scolaire jusqu'à la 9ième année, surtout en anglais. Puis à 15 ans, ce fut le retour à Adamsville. Mais il raconte que lorsqu’il revenait de l’école, il pouvait écouter dans un silence religieux les sons que faisait entendre sur son violon, le futur célèbre virtuose, Arthur Leblanc, lui aussi adolescent. Également, il eût comme compagne de classe une autre acadienne qui connut ses heures de gloire, la célèbre Anna Malenfant, dont on pouvait voir la photo dans des cahiers de la “ Bonne Chanson ”.
Vers 20 ans, il joignit le 22e Régiment à Québec et c'est ainsi qu'il fit partie des fondateurs du 22e sous le nom de Joseph Bastarache. Son capitaine était Georges Vanier qui allait devenir Général et plus tard Gouverneur-Général du Canada dans les années 60. Il garda du Capitaine Vanier l’image d’un homme sévère mais juste et, capable d’être “ bon père ”. Augustin en vint à enseigner, avec le titre de caporal, le sémaphore et le morse (TSF). Il excellait aussi au tir de précision, mais n’envisagea jamais de devenir franc-tireur, car il savait que l’ennemi était sans pitié pour eux. C’est pendant cette période de vie militaire qu’il perdit son père, William, né en 1864 et décimé par une pleurésie le 4 janvier 1922 à l’âge de 58 ans. William était bon vivant et excellent danseur de claquettes et ne se faisait pas prier pour montrer son talent.
En 1918, comme des millions d’autres à travers le monde, Augustin fut frappé par la grippe “ espagnole ” et fut pendant quelques heures, compté parmi les victimes. C’est par miracle que quelqu’un réalisa qu’il vivait encore et on le changea de salle. Toute sa vie, il nous dira qu’il ne vivrait pas vieux et il avait parfois l’angoisse de la mort imminente lorsqu’il attrapait une violente grippe. Son épouse, alors, le dorlotait comme pas un hôpital n’aurait su le faire.
Dès son retour à la vie civile en 1924, il s’empressa d’aller revoir son Acadie natale pour y trouver un travail intéressant, mais en vain. C’était, selon lui, la grande misère à cette époque aux Maritimes, du moins, dans son coin de pays, le sud du Nouveau-Brunswick.
Conseillé par des amis qui revenaient de temps à autre dans la région de Moncton et qui l’incitaient à se rendre en Ontario, il quitta Adamsville par train et se retrouva à Lévis, pour un arrêt prolongé du convoi ferroviaire. À cet endroit, il entra en communication avec des anciens du 22e Régiment qui l’incitèrent à aller plutôt au Lac-St-Jean où de grands projets étaient annoncés et d’autres en cours de réalisation.
Peu de temps après, il se retrouve donc à Alma au Lac Saint-Jean sur le chantier de l'Isle Malique de la Compagnie Aluminum Ltd, aujourd’hui Alcan. Mais à Québec, on lui avait conseillé de changer son nom par un nom anglophone et de parler surtout en anglais. C’est ainsi qu’il décida de s’appeler John White (Jean Leblanc). C’était la belle époque où les numéros d’assurance sociale n’existaient pas et où on vous payait dans une petite enveloppe brune, argent comptant. Il fut aussitôt remarqué par un patron anglophone parce qu’il pouvait aussi parler français, donc un type bilingue, une denrée rare. Il devait en quelque sorte laisser transparaître l’image d’un anglophone qui comprend et peut parler le français, et non celle d’un acadien francophone qui a été éduqué en anglais.
Par ailleurs, dans l’esprit de certaines gens du Saguenay et du Lac St-Jean, l’Acadien, le Madelinot ou le Gaspésien était parfois perçu comme l’étranger qui prenait la place d’un gars du Saguenay. Il est également loisible de penser que la Compagnie embauchait souvent ces Acadiens pour la surveillance et la protection des installations de l’entreprise. C’était des hommes costauds comme peuvent l’être les pêcheurs, les gens de la mer.
C’est avec leur courage, leur générosité et leur joie de vivre, sans oublier leur accent caractéristique qui leur valait parfois des moqueries, qu’ils finirent par gagner l’amitié des gens du Saguenay-Lac-St-Jean, et s’intégrer pleinement. Les Arseneault, Basque, Babin, Boudreau, Cormier, Jomphe, Hubert, Turbide, et les autres ont grandement contribué au développement de la région.
En 1926, sous les conseils d’un ingénieur qui l’avait remarqué, Augustin se rendit au chantier qui allait devenir la grande aluminerie d’Arvida où il passera la plus grande partie de sa vie. Désormais sous son nom véritable, il travaillera d’abord dans un bureau puis dans une salle de contrôle de la distribution du courant électrique. Mais il trouvait ce travail trop routinier et sédentaire. C’est alors qu’il suivit un cours d’électricien et démarra comme monteur de ligne, puis il devint affecté à la tâche de solutionner les troubles électriques un peu partout dans l’usine. Il poursuivra sa carrière à l’atelier électrique de l’usine à réparer les équipements défectueux. Un travail moins dangereux et moins exposé aux intempéries. Lors de la crise économique de 1929 à 1939, il sera licencié comme plusieurs autres pendant une période de cinq longues années. Avec la reprise de l’économie et la Seconde Guerre Mondiale, il travaillera sans relâche, sauf pour la grève de 1957, jusqu’au milieu des années ’60. Il avait atteint 65 ans.
Au cours de ces longues années, son épouse Clara lui donnera sept garçons qu’ils s’appliquèrent à éduquer convenablement. Leurs enfants ayant quitté la région un après l’autre pour exercer diverses professions à travers le Québec, ils se retrouvèrent donc seuls dans la maison familiale à Arvida mais avec beaucoup de parents et amis à visiter et à recevoir, sans compter les visites régulières des enfants, avec leurs épouses et les petits-enfants. Augustin adorait arpenter, chaque jour de beau temps, les rues de sa ville, saluer et bavarder avec les gens qu’il avait connus à l’usine ou dans les boutiques et commerces où il allait faire les achats.
Ce n'est en effet qu’en 1984 qu'il songera à quitter la ville qu'il avait contribué à bâtir avec sa femme et tant d'autres amis pionniers au même titre. Ainsi, ils se rapprocheraient de leurs enfants et ils choisirent de s’établir à Tracy où deux de leurs fils médecins y habitaient. Ainsi, son épouse, Clara, serait suivie médicalement de plus près par deux des trois fils médecins.
À 83 ans, il fera dire à son notaire de Tracy: "C'est la première fois que je vends “ comptant ” une maison à un vieil homme, par surcroît, aveugle!" Et Augustin de rétorquer : “ C’est la première fois que j’achète sans voir la marchandise ; je me fie à Clara ”.
Il était devenu progressivement handicapé visuel et plus tard quasi aveugle et sans cela, il aurait probablement continué à se promener dans les rues d'Arvida qu'il n'aurait pas quittée si les conditions de santé avaient été plus favorables. Enfin, Augustin fut le premier Bastarache à s’installer au Saguenay et aura été le dernier à quitter, non sans regret, cette belle région qui avait su si bien l’accueillir.
Laisser son Acadie natale fut un premier exode, et quitter le Saguenay fut un double exode puisque Clara, elle, à son tour quittait le coin de pays qui l’avait vu naître.
Clara décéda la première, le 23 juin 1991, à l’âge de 80 ans, et cinq années plus tard, Augustin s’éteignait à Contrecœur, à l’âge vénérable de 95 ans. Tous deux laissent une descendance nombreuse installée partout au Québec, sauf au Saguenay.
En somme, au début du mois de novembre 1984, il devenait le dernier Bastarache au Saguenay.

Note: Un condensé à partir d’un récit de vie enregistré en vidéo et réalisé en 1990, à Tracy, par Raoul Bastarache